Photographie d'une personne portant une robe imposante et colorée, entièrement faite en fleurs et en feuilles. Le modèle porte aussi des fleurs dans les cheveux. Cette robe fait partie de la collection « Weedrobes ».

Art et sensibilisation écologique

Art et sensibilisation écologique

À la fois courant artistique et moyen de sensibilisation, l’art écologique réunit des scientifiques et des artistes autour d’un objectif commun : la protection et la conservation de la nature.

Inspiré de la « Meat Dress » de Jana Sterback qui dénonçait l’idée de considérer les femmes comme du bétail dans l’industrie de la mode. La collection « Weedrobes » relance le débat sur la surconsommation et la mode éphémère. 

Alors que nous prenons conscience qu’il est absolument impératif de protéger notre environnement, l’art écologique continue de sensibiliser, d’éduquer et de nous faire changer nos habitudes. Comment ce phénomène opère-t-il ? Quel est ce mouvement, « l’art écologique » ? Qui en sont les acteur·rices ? Nous fait-il réellement changer nos habitudes ? Comment fait-il sens ?

Pendant cette semaine de culture scientifique et technique, nous nous posons la question du sens, nous vous invitons à comprendre avec nous comment l’art écologique crée justement, du sens. 

Qu’est ce que l’art écologique ?

L’art écologique est un genre artistique qui a pour but de sensibiliser aux problématiques contemporaines écologiques. On observe alors des tentatives de conservation de la nature. La raison d’être principale de l’art écologique est de reconstruire, d’agir et de sensibiliser pour la protection de l’environnement. Le courant apparaît dans les années 1960 alors que les cultures américaines et européennes se divisent en deux : la « culture » et la « contre-culture ». Le second mouvement fait naître une prise de conscience de l’état et de l’importance de l’environnement, faisant ainsi apparaître un art innovant qu’est l’art écologique.

La confusion entre art écologique et art environnemental est fréquente. Or, dans le second, l’artiste cherche plus à être en harmonie avec la Nature qu’à sensibiliser ou informer le public.

Tierra del fuego, une œuvre montrant les objets enfouis révélés par la fonte des glaciers.
Angelika Markul, Tierra del Fuego, 2018, Musée de la Chasse et de la Nature, Paris.

Tierra del fuego

La fonte des glaciers révèle des objets enfouis qu’Angelika Markul raconte dans cette exposition. Elle sensibilise ainsi à la disparition de ces paysages et aux traditions oubliées des Yagans, pêcheurs nomades de Tierra del Fuego, en Patagonie. 

Influences scientifiques

Pollution, réchauffement climatique, extinction des espèces… Les problèmes environnementaux s’accumulent et nous le savons. Ce sont les scientifiques, qui étudient l’écologie, qui ont le rôle de lanceur·euse d’alerte. I·elles vulgarisent leurs travaux pour nous sensibiliser, mais cela ne suffit pas. Notre attitude générale face à la crise écologique que nous traversons en témoigne. Afin de changer notre comportement, une solution serait d’intégrer les idées des recherches scientifiques directement dans notre culture. L’art va permettre une approche différente de l’écologie. Aucune publication scientifique ne peut mettre en image ces idées comme les œuvres d’art écologique. Les artistes créent un lien entre sciences et société avec une sensibilité et une approche différente des biologistes.

L’art se met-il au vert ?

« Avec le philosophe Bernard Stiegler et Paul Ardenne, historien de l’art. L’art se met au vert… Et les artistes ? Peuvent-ils, par la création, contribuer à la prise de conscience de l’urgence écologique ? L’art est-il une expression suffisamment puissante pour relever ce défi ? » La Grande table idées, émission France Culture

La démarche des artistes écologiques

Chaque sensibilité au monde est unique. Les approches des artistes sont tout aussi singulières mais certains traits communs se retrouvent dans l’art écologique. Il s’agit d’un art connecté à la société, porté par des artistes plus ou moins activistes et impliqué·es politiquement. Comme la plupart des arts engagés, l’art écologique fait souvent référence à d’autres disciplines artistiques comme l’écoféminisme. Par ailleurs, les artistes écologiques prêtent généralement attention à leurs modes de production pour qu’ils soient cohérents éthiquement avec les idées qu’i·elles défendent. Dans leurs approches à l’environnement qui les entoure, les espaces naturels et/ou culturels peuvent devenir leurs supports ou leurs matériaux. Parfois, les pratiques artistiques sont même au service d’actions de conservation ou de restauration écologiques.

Et vous, qu’est-ce qui vous touche le plus ? Ce qu’il se passe près de chez vous ou sur la planète entière ? Ce qui vous concerne ou ce qui implique la société ? Ce que vous expérimentez dans votre quotidien ou les connaissances qui se construisent dans le milieu scientifique ? Les artistes écologiques font ressortir ces tensions et relations. Leurs œuvres dessinent le lien entre les différentes échelles et milieux en rendant esthétique la complexité du monde. Elles véhiculent des messages forts qui invitent le public à se questionner. Ainsi, cette démarche artistique n’est pas seulement critique sur ce qui est, elle donne à voir ce qui pourrait être.

 Igloo tropical

Alexis Tricoire réunit deux univers aux climats différents : un igloo surmonté d’une végétation luxuriante. Cette opposition met en lumière le dégel au pôle Nord et l’impact de ce changement climatique sur les Inuits. 

Igloo tropical exposé dans le jardin des Tuileries à Paris à l'occasion du festival "Jardins, Jardin".

Alexis Tricoire, Igloo tropical, Juin 2012, Festival “Jardins, Jardin”, Jardin des Tuileries de Paris.

De l’art pour agir

Pour protéger quelque chose, il faut le connaître. La conscience est la première étape de l’action. L’art écologique est bien loin des discours parfois culpabilisants et moralisateurs des scientifiques. Présentées d’une autre façon, les informations deviennent plus accessibles. Le public va être plus touché par ces sujets.

L’art écologique vise la prise de conscience et le changement de comportement : le changement des sociétés. Il a pour but de construire des modes de vie soutenables et peut mobiliser le public, le rendre acteur.

La culture est moteur de changements de comportements et permet de développer un nouveau rapport au monde. Par exemple, l’utilisation des technologies dans l’art écologique renforce les relations entre humain·es et Nature, et peut susciter un engagement environnemental. 

L’art peut-il sauver la planète ? Isabelle Ithurburu, 2019

Un lien entre environnement et société  

Comme vous l’avez découvert au travers de cette exposition, l’art écologique a divers objectifs. Il touche plus universellement que la science qui paraît, à première vue, difficile à comprendre. Ainsi, il traduit le discours scientifique dans le domaine de la culture et favorise sa compréhension. Comme beaucoup de mouvements artistiques, il se veut engagé, il défend une cause : celle de la protection de l’environnement. C’est par ses codes qu’il peut nous convaincre et faire de nous des acteur·rices engagé·es à notre tour. C’est donc un outil de plus pour expliquer, faire comprendre et démontrer l’urgence. L’art pourrait être un moyen de médiation pour sensibiliser autour des problématiques environnementales.

Finalement, le mouvement qu’est l’art écologique fait sens, entre environnement et société civile par un biais enthousiasmant.  

Deborah Bowman, doctorante en art dans le laboratoire Médiation Information Communication Arts (MICA) de l’Université Bordeaux Montaigne.

Note de sens

Deborah Bowman, artiste et doctorante

Artiste américaine, Deborah Bowman s’inspire de ses études de biologie et d’écophilosophie pour créer des projets d’art écologique. Ses recherches et collaborations avec des scientifiques explorent la biodiversité animale et végétale, les cours d’eau, l’écoféminisme, dans une dynamique d’art engagé.

L’installation « Eau botanique », une co-création avec Patrik Martydans, un lavoir le long d’un chemin de randonnée artistique de 15 km, met en lumière les espèces végétales phytofiltrantes et endémiques autour des sources, lavoirs, rivières. Neuf cubes de marbre de Carrare gravés s’inscrivent dans un jeu de piste pour une balade ludique et pédagogique. Véritables carrefours entre les patrimoines humain et naturel, les lavoirs étaient des lieux de rencontres et d’échanges entre femmes. Ils gardent en eux pas seulement les traces du passé, mais aussi une méthode originale de renouveler la biodiversité. L’aspect activiste de l’œuvre de Deborah Bowman se déploie à travers des expositions et conférences, des projets participatifs, et des interventions en milieu scolaire.

Deborah Bowman est diplômée de l’EBABX, où elle est Professeur d’art, et de l’Université Bordeaux Montaigne, où elle est Chargée d’enseignement en Master Arts. Doctorante en Arts à l’Université Bordeaux Montaigne, Laboratoire MICA ADS, sa thèse étudie « l’Art de la Rivière, de la source à l’océan : l’Écophilosophie, l’écoféminisme, l’art écologique ».

En savoir plus sur le travail de Deborah Bowman

  • Œuvre de l'artiste Deborah Bowman, Trois morceaux de lin, lentilles d’eau et feuilles de figuier, Lavoir Lafuge, Pujols sur Dordogne 33. (Lentilles d’Eau : Lavoir Lafuge. EAU DE VIE : LAVOIRS, 2014-2016)
    Deborah Bowman, Lentilles d’Eau : Lavoir Lafuge. EAU DE VIE : LAVOIRS, 2014-2016 ; Curator Patrik Marty. Trois morceaux de lin, lentilles d’eau et feuilles de figuier, Lavoir Lafuge, Pujols sur Dordogne 33. Projet multiforme : Installations éphémères, photos, vidéos, dessins. Photo de l’artiste, dimensions variables.

Pour poursuivre la visite

Site web de Deborah Bowman : https://deborahbowman1.wixsite.com/expo

Deborah Bowman, « Le refuge de montagne : Figure de résistance, espace d’immersion, hétérotopie dans les bois », Recherches & Educations. DOI : https://journals.openedition.org/rechercheseducations/9158

Eau Botanique, vidéo documentaire (15:02) : https://youtu.be/PCUXPreUBWUEau Botanique / Botanical Water Trailer, clip vidéo (2:57) : https://youtu.be/4mq74Eq0hIs

Deborah Bowman, « Urban Trek, la randonnée artistique urbaine », Figures de l’Art : http://www.vrin.fr/collection.php?code=396

Deborah Bowman, « Ferns », The ‘21 Lunar Calendar, Luna Press: https://www.thelunapress.com/

Le projet COAL mobilise les artistes et les acteur·rices culturel·les de l’art écologique en collaboration avec les institutions, les collectivités, les ONG, les scientifiques et les entreprises. COAL est à l’origine d’expositions, d’événements et remet un prix annuel.

Sacha Kagan, La pratique de l’art écologique, Plastik Nr 04 . 15 février 2014.

Laura Lee Coles & Philippe Pasquier (2015) Digital eco-art: transformative possibilities, Digital Creativity, 26:1, 3-15, DOI: 10.1080/14626268.2015.998683.

COAL (Coalition pour l’art et le développement durable), ART, ÉCOLOGIE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE, ETATS DES LIEUX INTERNATIONAL DES INITIATIVES (PREMIÈRE PARTIE), ETUDE RÉALISÉE PAR COAL JANVIER – MARS 2011

Clavel Joanne, « L’art écologique : une forme de médiation des sciences de la conservation ? », Natures Sciences Sociétés, 2012/4 (Vol. 20), p. 437-447. DOI : 10.1051/nss/2012044.

Linda Weintraubn, TO LIFE! Eco Art in Pursuit of a Sustainable Planet, Artist, curator, and lecturer at the New School, NYC. She is author of TO LIFE! Eco Art In Pursuit of a Sustainable Planet.