Une autre façon de naître au monde

une autre façon de naître au monde

En vivant des expériences sensorielles très diverses, les enfants autistes ont un accès complexifié à l’apprentissage traditionnel. Pour Clément Moreau, psychologue clinicien à Ivry-sur-Seine, il est nécessaire de mieux comprendre ces spécificités.

Un doigt désigne l'oreille d'un très jeune enfant.
© Tung256 de Pixabay
Sensorialité infantile

Clément Moreau a passé dix années en pédopsychiatrie, auprès d’enfants présentant des Troubles du spectre de l’autisme (TSA). Aujourd’hui, il entame des travaux de recherche sur ce qu’il pense être une « clé de compréhension essentielle des comportements et des difficultés connues par de nombreux enfants autistes : les spécificités sensorielles ». En effet, ces enfants ne perçoivent pas toujours les informations sensorielles de la même manière. Cette particularité influe inévitablement sur leur façon de se construire et d’interagir. Pourtant, les spécificités sensorielles ne sont pas toujours bien prises en compte dans le diagnostic et l’accompagnement des TSA.

Des spécificités sensorielles

L’autisme est généralement associé à une hypersensibilité, c’est-à-dire à une réaction excessive à un stimulus sensoriel précis, ou au contraire à une absence ou faible réaction. Mais les expériences sensorielles que peuvent vivre des enfants autistes sont aussi diverses que leurs perceptions du monde. Perception fragmentée, différée, intolérance sensorielle, fascination… Les manières de qualifier ces expériences sont nombreuses. Ces particularités peuvent toucher aussi bien la vue, l’ouïe, l’odorat, le toucher, le goût, que la perception de son corps dans l’espace (proprioception) ou le sens du mouvement et de l’équilibre (système vestibulaire). Les expériences qui en découlent peuvent être désagréables voire douloureuses, et entraîner, par exemple, un inconfort à porter des vêtements ou à regarder une personne dans les yeux. Mais, comme le rappelle le psychologue, « il peut y avoir des sensibilités douloureuses comme agréables, c’est le cas notamment des fascinations ».

Un apprentissage impacté

Or, comme le dit Clément Moreau : « Lorsqu’on entend, perçoit les lumières, ou sent les odeurs différemment, plus intensément ou non, alors, le monde et son propre corps sont accessibles différemment ». Les enfants construisent leur cognition et leur rapport aux autres en se basant sur leurs perceptions sensorielles. Pour faire face à un monde qui ne leur est pas forcément adapté, ils vont devoir mettre en place des stratégies, comme se priver volontairement d’information sensorielle. Mais ces comportements pourront entraîner des retards de développement. « Ils vont, par exemple, se mettre systématiquement les mains sur les oreilles pour faire abstraction de sons parasites et se couper de la communication », nous explique le psychologue. Ces stratégies mènent parfois au développement de capacités spécifiques, comme le développement d’une vision périphérique ou d’une mémoire extrêmement forte. Certaines recherches évoquent ainsi une « intelligence autistique ».

Un environnement à adapter

Néanmoins, selon le psychologue : « Plutôt que d’idéaliser une intelligence trop souvent stéréotypée, il est nécessaire de comprendre ces différences de capacités et de penser leur intégration ». La thérapie par l’intégration sensorielle est une des approches utilisées pour penser un développement plus à l’écoute de ces spécificités. Il existe des aides techniques simples, comme l’utilisation de casques pour isoler l’enfant des bruits désagréables, ou de couvertures lestées, pour l’aider à se concentrer sur ses sensations physiques. Mais aussi des méthodes plus adaptées pour communiquer, comme le séquençage des informations données à un∙e enfant. L’idéal serait d’adapter l’environnement plutôt que les personnes et repenser l’accessibilité d’une manière générale. Par exemple, « être éduqué aux formes de communication alternatives et augmentées, comme le recours aux pictogrammes et aux signes, pour réellement intégrer les personnes qui ont des handicaps sensoriels et cognitifs variés, et ne plus faire semblant de les intégrer ».

Kimberly BONNEL

À PROPOS DE Clément moreau

Clément Moreau est psychologue clinicien dans un cabinet de psychomotricité, consultation psychologique et psychothérapie, situé à Ivry-sur-Seine. Il est spécialisé dans l’accompagnement d’enfants et adultes diagnostiqué·es TSA, l’accompagnement de personnes trans et des questionnements liés au genre et la sexualité.

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