Les échos de la mémoire

Les échos de la mémoire

La mémoire, ou plutôt les mémoires, sont un sujet vaste, qu’explore Pascal Ravassard, post-doctorant au Neurocampus, université Bordeaux. Il nous en livre les secrets.

© Elisa RIVA sur Pixabay – L’esprit rationnel et créatif

À l’évocation de la mémoire sensorielle, on pense immédiatement à Proust et sa madeleine, qu’il décrit dans son œuvre Du côté de chez Swann, et dans laquelle l’auteur dresse un portrait poétique et élogieux de ces souvenirs que ravivent chez lui l’odeur d’une madeleine. C’est la mémoire olfactive, en l’occurrence, qui donne à ces réminiscences le goût d’un passé ancré en nous. Mais quel lien existe-t-il entre la mémoire spatiale et la mémoire sensorielle ? Pour Pascal Ravassard, post – doctorant faisant partie de l’équipe Olfaction and memory à Bordeaux Neurocampus, les deux mémoires se distinguent par leur registre, leur durée et leur fonctionnement. La mémoire sensorielle au sens strict est basée sur la perception sensorielle, et permet de retenir l’information sur de courtes durées sans effort conscient. La mémoire spatiale, elle, est une forme de mémoire épisodique, qui nous permet d’enregistrer consciemment des informations spatiales sur de longues durées. La mémoire déclarative fait appel de manière consciente à des souvenirs, là où une non déclarative met en jeu des compétences motrices. En ce sens, la mémoire spatiale utilise celle sensorielle, car l’information a déjà été traitée.

Et tourne dans la tête…

« Il existe une structure dans le cerveau, qui est un véritable carrefour, et qui s’appelle l’hippocampe. » Cette structure reçoit énormément d’informations de la part de toutes les autres aires corticales qui traitent de l’information sensorielle. Cependant, elle a la particularité d’avoir des boucles d’activation permettant d’entretenir l’information en une sorte de réverbération. Celle-ci va se répéter, comme un écho : « Cela va ainsi aider à la mémorisation. » Le cortex olfactif ou piriforme, situé entre le cortex insulaire et le lobe temporal, traite l’information relative aux odeurs et les transmet ainsi à l’hippocampe. Celles-ci seront ensuite intégrées ou non dans ces boucles, menant à une mémorisation des événements associés à ces odeurs.

Des indices pour se souvenir

La mémoire spatiale fait donc appel à celle sensorielle pour pouvoir exister. Pascal Ravassard utilise une tâche cognitive spatiale adaptée à l’éthologie (l’étude du comportement animal) du modèle murin, le cheeseboard (plateau de fromage). Le cerveau des souris ou des rats est en effet proche de celui des humain·es. Ce modèle est donc largement utilisé pour étudier ce dernier. L’expérience en question consiste en un plateau percé de trous, dont certains contiennent une récompense : « Cette tâche exploite le comportement murin naturel de recherche de nourriture ou d’eau dans un environnement familier. » À l’aide des perceptions sensorielles que l’animal peut déceler dans son environnement, celui-ci est capable de se situer spatialement et même de se souvenir de l’endroit où sont dissimulées les récompenses. « La mémoire spatiale est épisodique. C’est-à-dire que tout ce qui va se dérouler dans l’instant va être une source potentielle d’indices pour les essais suivants. Lorsqu’un rongeur va explorer un endroit, il va se baser sur sa vision, bien sûr, mais aussi sur des indices locaux tels que l’olfaction, mais aussi des indices internes, proprioceptifs (qui renseignent sur la distance parcourue). » En ajoutant une odeur dans la récompense, puis en la présentant plus tard au repos, cette étude devrait nous permettre de savoir comment un souvenir olfactif permet d’améliorer la mémoire spatiale en réactivant les neurones recrutés durant la tâche. Un peu comme l’odeur de la madeleine réactive le souvenir « de toutes les fleurs […] du parc de M. Swann ».

Aksel TOURTE

À PROPOS DE PASCAL RAVASSARD

Pascal Ravassard est post-doctorant au sein de l’équipe dirigée par Lisa Roux : Olfaction and memory. Cette équipe est elle-même intégrée à l’Institut interdisciplinaire de neurosciences (IINS), unité située au Centre Broca Nouvelle-Aquitaine à Bordeaux Neurocampus.

© Pascal Ravassard

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