Arts et sens

Arts et sens

Arts et sciences font bon ménage. Ana Ribeiro, chorégraphe et danseuse, enseignante à l’université de Bordeaux et Véronique Béland, artiste pluridisciplinaire, travaillent le lien entre ces deux mondes.

© Ana RIBEIRO
Représentation de Corps Intelligent_Corps Sensible

Pour les rencontres arts et sciences tout commence par des échanges, les artistes découvrent de nouvelles notions exploitées par les chercheur·es, visitent les laboratoires pour comprendre les méthodes d’analyse et les outils de mesure. I·elles se plongent au cœur du sujet des jours durant pour côtoyer les équipes de laboratoire de biologie médicale ou même d’astronomie. Une fois imprégné·es de ce mode de vie et de travail, les artistes proposent un point de vue différent sur les recherches. « Cela apporte un peu de légèreté qui peut manquer dans un laboratoire de recherche, quand on est concentré sur quelque chose » nous confie Véronique Béland.

Un nouveau point de vue

L’apport d’art dans la science et de science dans l’art est bénéfique pour le public. Selon la chorégraphe et danseuse Ana Ribeiro, ces projets permettent de prouver que « la recherche est concrète et utile, elle porte des valeurs et des enjeux ». Véronique Béland complète : « Le lien arts et sciences permet d’éveiller la curiosité qu’il ne faut pas perdre mais cultiver. » Ce mélange apporte également aux chercheur·es. Ana Ribeiro explique que l’art « rend concret les éléments organiques de respiration, de rythme interne… Pour les chercheurs, le rythme interne c’est celui des organes par exemple, pour nous c’est la musicalité du corps, de la fluidité, du mouvement ou de la respiration en fonction de la mobilisation des accroches articulaires. Grâce à ces échanges nous avons partagé une autre perception du sensible ».

Vers le sensible

La sollicitation de nos sens est omniprésente dans les représentations arts et sciences. « On peut notamment utiliser la vue pour représenter des ondes. C’est une manière sensible de rendre compte d’un phénomène qui existe mais qu’on ne voit pas » explique Véronique Béland. Dans ses œuvres, elle fait souvent appel au toucher des spectateurs. L’une d’elles, As We Are Blind, a été réalisée avec le programmeur informatique Guillaume Libersat avec la participation du CNRS et de l’équipe Algomus qui étudie la modélisation, la visualisation et la génération de musique.  As We Are Blind est une installation interactive dans laquelle le public est amené à poser sa main sur un capteur qui mesure les données physiologiques telles que la température, la tension, et le rythme cardiaque. Ces données sont, d’une part, retranscrites sous la forme d’une image révélant le champ électromagnétique comme une aura, et d’autre part, transcodées aléatoirement en partition musicale jouée par un piano présent face au public. « Pour moi, le fait de solliciter le corps, le toucher, permet de nous mettre dans des positions inhabituelles où l’on ne peut pas vraiment penser à autre chose. Cela amène les spectateurs à avoir leurs mains occupées, à ne pas pouvoir prendre leur smartphone, tout ce qu’il leur reste à faire c’est de rester là et interagir avec l’œuvre pour voir ce qui va se passer. »

Ressentir l’art

À l’occasion de l’édition 2019 du festival Facts arts et sciences de l’université de Bordeaux, Ana Ribeiro a participé à l’élaboration du spectacle Corps Intelligent_Corps Sensible. Ce spectacle a été créé en collaboration avec Laurent Arsac, enseignant chercheur à l’université de Bordeaux, dont les recherches portent sur les changements d’état physiologique lors d’un travail physique ou mental dans différentes situations. Dans cette représentation, les danseur·es se placent devant un grand écran sur lequel des animations vidéo défilent. L’objectif est d’illustrer « l’intelligence organique » du corps, la dynamique des biosignaux émis par le corps intelligent et sensible, captés et analysés par des ordinateurs et des objets connectés, sur scène. Les scientifiques mesurent « les biosignaux du corps qui permettent d’identifier l’état de santé, l’état émotionnel, de stress, d’inconfort d’une personne face à des situations complexes ». Les danseur·es mettent en scène ces analyses, les concepts de fractalité, de l’entropie avec la notion de corps. Pour cela, i·elles illustrent les interactions avec l’environnement de façon intime, de l’ordre du lâcher prise ou de la respiration. « À partir du moment où on commence à avoir une respiration commune, c’est la magie du spectacle vivant, les spectateurs la partagent avec nous. » La chorégraphe explique que « pour faire ressentir quelque chose il y a les foyers d’intention, avec la présence du regard » à cela s’ajoute l’univers musical qui porte un rôle important et « l’écoute sensorielle, celle qui fait sentir que l’on fait partie du spectacle ».

Lina GREFFET

À PROPOS DE Véronique Béland

Véronique Béland est diplômée d’une maîtrise en arts visuels et médiatiques de l’Université du Québec à Montréal. Elle étudie ensuite au Studio national des arts contemporains le Fresnoy. Véronique Béland travaille particulièrement à la mise en scène de l’invisible et du vide.

À PROPOS DE ANA RIBEIRO

Ana Ribeiro a été formée à l’Académie Bordelaise de Danse dans différents styles de danse. Elle possède également son Examen d’aptitude technique en jazz. Elle crée ensuite la Compagnie Kinta avec laquelle elle participe à de multiples projets notamment auprès des universités.

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