Cécité en série

cécité en série

Dans les années 1970, la série américaine La Petite maison dans la prairie met en scène l’intégration d’une jeune fille aveugle dans la société. Analyse d’Étienne Thévenin, chercheur à l’Université de Lorraine.

© Étienne THÉVENIN
Portrait d’Étienne Thévenin

Qui aurait pu imaginer que La Petite Maison Dans La Praire, cette œuvre de plus de deux cents épisodes, traite avec tant d’exactitude l’intégration des jeunes aveugles dans la société ? La série télévisée la plus regardée de l’histoire, réalisée par Michael Landon et diffusée dans les années 1970, aborde la cécité à travers la vie de Mary Ingalls, l’un des personnages clés de l’intrigue. Elle s’illustre notamment par « une recherche documentaire extrêmement rigoureuse et sérieuse, félicitée par les institutions spécialisées », selon Étienne Thévenin, historien et maître de conférences à l’Université de Lorraine.

Un message d’espoir réaliste

Les épreuves que subit le personnage incarné par Melissa Sue Anderson ne sont pas au centre de l’intrigue, mais surviennent régulièrement au fil des épisodes. Cela a pour effet de représenter les personnes aveugles comme « des gens qui peuvent vivre comme les autres sans pour autant oublier les contraintes liées à leur handicap », développe le chercheur. La série décrit d’ailleurs avec un grand réalisme la pédagogie des écoles pour jeunes aveugles, qui leur permet de mieux s’intégrer dans la société américaine du XIXe siècle. Ne cédant pas au désespoir, la famille Ingalls inscrit sa fille dans l’un de ces établissements, où elle apprend à lire, à écrire et à se déplacer malgré sa cécité.

On pourrait alors penser que la série idéalise l’insertion des personnes aveugles, mais « il n’y a pas de volonté de gommer les difficultés », explique Étienne Thévenin. « C’est un message d’espoir qui est destiné non seulement aux personnes en situation de handicap et à leur famille, mais aussi à la société qui les entoure, qui peut se montrer excluante, agressive, pleine de préjugés, ou au contraire participer à leur intégration. »

Des progrès à l’horizon

Le modèle social américain diffusé par la série, dans lequel la majorité des jeunes aveugles sont scolarisé·es, n’est en fait pas si répandu dans le monde. « On observe qu’en Europe, l’exercice de hautes responsabilités par des personnes en situation de handicap est assez rare, que ce soit à la tête des grandes entreprises, en politique ou autres. À l’inverse, la paralysie partielle du président Franklin Roosevelt ne l’a pas empêché d’avoir un rôle immense dans l’histoire des États-Unis et celle du monde. » Un exemple encore peu suivi par la France, qui a pourtant vu naître le braille il y a deux cents ans, ainsi que les premières écoles dédiées aux jeunes aveugles à la fin du XVIIIe siècle.

L’historien constate tout de même une augmentation encourageante du nombre de personnes en situation de handicap qui s’engagent et réussissent dans les études supérieures. Il ajoute enfin : « Il reste beaucoup à faire et à inventer, et on n’a jamais fini de se remettre en question pour avancer ensemble. »

Nathan FLORENT

À PROPOS D’Étienne thÉvenin

Étienne Thévenin est maître de conférences habilité à diriger des recherches en histoire contemporaine à l’Université de Lorraine. Agrégé d’histoire, il a publié de nombreux ouvrages et s’intéresse notamment à l’histoire des réalités sanitaires et sociales. Il a ainsi étudié la scolarisation des jeunes aveugles en s’appuyant sur l’exemple de la Lorraine depuis deux siècles.

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