Podcast : Les néologismes

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Les néologismes

Dans un mur de piles de livres, un livre volant passe par par un trou formé par ce mur et se dirige vers la sortie de la bibliothèque.
© Jaredd CRAIG sur Unsplash, adapté par Aksel TOURTE
Visuel : Les Néologismes

Le français est une langue romane, c’est-à-dire ayant pour origine le latin. Pourtant, entre Les Serments de Strasbourg, considérés comme les plus anciens documents écrits en français et datant de 842 après Jésus-Christ, Les Misérables de Victor Hugo, et le dernier texte de Booba, la langue française a considérablement évolué. Avec elle, les mots se sont changés, transformés, et d’autres sont apparus. Tour de magie ou réflexions millénaires, venez explorer avec moi cette énigme qui transcende les âges : pourquoi et comment créer des mots nouveaux ?

[Musique jingle]

J’aimerais commencer cette enquête en anecdotant que bien qu’il pleuviasse dru sur Bordeaux, l’on peut tout de même apercevoir quelques bleueurs entre les nuages. Mais qu’est-ce que cela a à voir avec notre sujet ? Avez-vous remarqué que dans cette phrase se sont glissés trois mots nouveaux, qualifiés de « mots sauvages » ? Anecdoter, légué par Balzac, désigne le fait de « rapporter des faits curieux », pleuviasse une pluie morne et noire comme la décrit Cavanna, et bleueur, qui n’est pas sans rappeler explicitement la teinte bleutée des hortensias de Montesquiou. Cherchez ces mots dans un dictionnaire, mais ce serait divulgacher que vous indiquer que vous ne les trouverez point. Et pour cause ! Ils ont tout simplement été inventés par ces écrivains, ces écrivaines, pour servir un propos, décrire un aspect que l’on ne saurait décrire même à coup de dictionnaires, ou encore parfaire d’une envolée lyrique un texte déjà sublimé par la plume. [Bruit de flèche]

Qu’est-ce qu’un néologisme ?

Les néologismes ! Un mot qui, à l’entendre, fait un peu peur, mais il ne faut pas se fier aux apparences. L’habit ne fait pas le moine (ne voyez aucun néologisme là-dedans, je ne vais pas mettre des indices à chaque phrase tout de même). [Bruit de flèche]

Qu’est-ce qu’un néologisme ? Au milieu d’une pléthore de définitions, je m’arrêterai à celle qui nous intéresse dans notre dossier. Un néologisme est ainsi, selon le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), une expression ou un mot nouveau, soit créé de toute pièce, soit, plus couramment, formé par un procédé morphologique (dérivation, composition, analogie…). Ainsi donc, le matrimoine que nous a laissé Hervé Bazin est dérivé du patrimoine, c’est-à-dire cette idée de valeurs, de biens transmis par les générations précédentes… mais de femmes. [Bruit de flèche]

Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, il n’y a pas, en France, de terme exact pour définir ces mots nouveaux, notamment car il n’existe pas vraiment de consensus pour définir le contour de ces objets de la langue. Ce n’est qu’en 1726 que l’abbé Desfontaines écrit un dictionnaire néologique. Il y recense un certain nombre de formes lexicales inédites pour l’époque, comme « tomber amoureux » (ou tomber amoureuse), de qualifications telles qu’ « yeux contempleurs » ou des métaphores nouvelles comme « sortir l’esprit de sa coquille ». Ces expressions sont connues et utilisées aujourd’hui, bien que, personnellement, je ne vois pas ce que tomber amoureux veut dire… ça doit faire mal, non ? Par ce dictionnaire, ce cher Monseigneur Desfontaines apporte à la langue française le mot néologisme et ses déclinaisons : néologique, néologie, etc. ainsi, il s’agit, en soi, d’un néologisme à part entière, formé de néos, qui signifie nouveau, et logos, le discours, parler. Mais, d’où viennent donc ces mots nouveaux ? [Bruit de flèche]

D’où viennent-ils ?

Depuis 2017, 410 mots auraient été ajoutés au lexique français. Il est souvent admis que l’anglais contribue énormément à enrichir la langue de Molière. Pourtant, parmi ces 410 termes, plus de la moitié proviennent des différents types de français. Elle se renouvelle de l’intérieur, souvent de façon inégale. Difficile d’imaginer, en effet, que « vidéoludique » ou « rétrofuturisme », pour ne citer qu’eux, n’entrent qu’aujourd’hui dans le dictionnaire alors qu’ils sont utilisés depuis longtemps dans l’usage commun. En revanche, il est compliqué d’imaginer que des mots tels que « covoiturer » ou « djihadisme » sont des ajouts récents, car ils se sont intégrés dans l’imaginaire commun et s’y sont bien ancrés. Les régions apportent elles aussi leur contribution. Vous connaissez bien évidemment « biloute », démocratisé par le film Bienvenue chez les Ch’tis, qui n’est pas sans rejoindre le schmutz alsacien, très parlant pour désigner le fait de se « poutouner », très explicite en soi, n’est-ce pas ?

En définitive, à peine 4 mots sur 10 sont empruntés à des langues étrangères. Une excellente occasion d’étudier comment les néologismes se forment. Mais avant toute chose, savez-vous ce que sont des préfixes, et des suffixes ? Je vous laisse réfléchir quelques secondes. [Bruit de tic-tac qui s’atténue progressivement] Ils vont nous être utiles, dans la résolution de ce dossier. Un préfixe est une particule qui se place devant un mot pour en modifier le sens, là où un suffixe agit de la même façon, mais placé à la fin.

À quoi servent-ils ?

Le français est ainsi ce que l’on pourrait qualifier de « cleptolexe », c’est-à-dire qu’il tend à emprunter du lexique à des langues voisines. Encore un néologisme. Observons comment celui-ci est formé du préfixe clepto, du grec klepto, utilisé pour former les mots en rapport avec le vol, et le suffixe lexe, faisant référence aux langues. [Bruit de flèche]

Sous la loupe, il est facilement observable que le français, de par ses racines romanes et grecques, emprunte énormément à ces deux langues mortes. Une langue morte ? Qui n’est plus parlée ? Vous l’aviez ? Parfait, vous êtes très doué·es ! [Bruit de flèche]

À quoi servent les néologismes ? Quel intérêt pour le français ? Les néologismes sont essentiellement créés dans le but de désigner un objet, un concept qui n’existait pas auparavant, de nouvelles idées, de nouvelles réalités. Mais ils permettent aussi de révéler des réalités connues sur lesquelles nous ne pouvions pas mettre de nom. On parle par exemple aujourd’hui de « grossophobie », bien que ce concept existait déjà des années avant d’être mis en exergue en étant nommé. Par ailleurs, les néologismes sont très fréquents dans le domaine technique et pour nommer les technologies. C’est particulièrement vrai pour le domaine informatique. Ils peuvent aussi remplacer des mots existants, jugés désuets ou perçus négativement. En ce sens, un ou une personne handicapé·e sera préféré·e à infirme.

Le français, en tant que langue vivante, s’adapte à son époque, aux sociétés, en constante évolution. Et ces changements rapides requièrent l’apparition de nouveaux mots afin que nous nous comprenions. Si les propos que je porte dans ce podcast font sens, saurez-vous retrouver combien de néologismes j’ai employé au cours de mon récit ? Car, moi-même, je ne saurais le dire…

Aksel TOURTE

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